Les graffiti sont des tatouages sur la peau des villes. Parfois grises et ternes sans eux, elles gagnent en couleurs, suscitent le sourire, l’admiration, la réflexion, traduisent aussi souvent les aspirations non seulement des individus qui les réalisent mais de la société dans son entier. Voici trois photos tirées de ma collection de graffiti et autres surprises des rues du monde. Il s’agit de trois villes européennes : Athènes, Paris et Naples.
Un escalator en trompe-l’œil, métro d’Athènes
Je me suis rendu avec ma compagne et quelques amis dans la capitale grecque à l’automne 2011. La gravissime situation économique, conséquence de la contre-révolution néolibérale planquée sous les mensonges sempiterneles des « réformes difficiles mais nécessaires » et de plans d’austérité à la pelle, m’avait porté à aller y voir de plus près avec quelques amis eux-mêmes très politisés. Faute d’une préparation correcte, ce plan initial avait été un relatif échec. La barrière de la langue et la dynamique de groupe n’ont pas aidé non plus à en savoir plus.
De ce voyage, reste surtout le souvenir des graffiti, particulièrement dans le quartier – anarchiste, nous a-t-on dit – Exarchia. La ville abondait en graffiti de toute sortes et de toute sensibilité, poétiques, cruels, révoltés et politiques… Le talent était partout. Cet escalator en trompe-l’œil dans le métro d’Athènes n’est qu’un exemple parmi des centaines, dont beaucoup tout aussi réussis, des graffiti vus là-bas.

« Ni Dieu ni maître ni croquettes », Paris
J’ai vécu plusieurs longues expériences à Paris (2002-2004, 2005-2008, 2009, 2010-2011). C’est une ville que je connais assez bien, même si je suis loin d’en avoir fait le tour. Je prévois d’ailleurs, lors de mon temporaire retour en France (septembre-octobre) de retourner en explorer les recoins secrets, ou les nombreux musées insolites et méconnus.
Parmi les choses nombreuses que j’aime à Paris, il y a la flânerie. J’ai eu la chance de pouvoir vivre à rebours de sa frénésie, d’échapper à l’absurdité des métros bondés à 8-9h et 17-18h, de pouvoir errer interminablement dans ses rues. Tiens, ça me fait penser à cette chanson de Marc Lavoine : « Je marche dans tes rues / Qui me marchent sur les pieds / Je bois dans tes cafés / Je traîne dans tes métros / Tes trottoirs m’aiment un peu trop », etc. Et quand on flâne à Paris, quand on flâne vraiment, quand on paresse, quand on marche lentement pour savourer la ville, quand surtout on lève la tête et qu’on ouvre grand les yeux, l’émerveillement est partout – et, les yeux désembués de la quotidienneté qui désapprend à voir quand on y vit de façon permanente, on comprend pourquoi les touristes du monde se ruent sur Paris si nombreux. L’immense diversité de son patrimoine architectural et historique, bénéficiant de restaurations et d’une conservation que peu de pays au monde peuvent offrir au leur, est source d’enchantements presque partout. Rues pavées, façades haussmaniennes, atlantes, arcades, statues, jardins, petites rues très anciennes méconnues, galeries, enseignes d’antan conservées telles quelles, etc.
Et parmi les innombrables attraits de Paris, le street art n’est pas le plus connu des touristes mais l’amateur trouve son compte tant la ville, qui a été et demeure peut-être, une capitale du graff et de l’art urbain. Si les mosaïques de Space Invader ou les femmes de Miss.Tic sont parmi les plus connus, c’est tout un bataillon d’artistes de l’éphémère qui font vivre les murs de Paris, y imprimant la marque de leur révolte, de leur désir, de leur fantaisie. Ce pochoir représente le versant cocasse du graff.

Naples : seulement te voir… et mourir ?
« Vois Naples et puis meurs », dit une expression italienne : c’est que, en effet, la ville est magnifique et certains considèrent qu’il faut l’avoir vue avant de mourir. Pas magnifique comme Paris ou Amsterdam, non. Elle a ce charme déglingué, décati, agité des grandes villes méditerranéennes, ce côté un peu sale et mouvementé que j’aime, car cela respire la vie (je considère volontiers que les villes trop propres, trop froidement hygiénistes ont quelque chose de morbide). Naples, c’est un film. Assurément une des villes que j’ai le plus aimées, quoique la visite en fut relativement courte.
Comme Athènes, peut-être moins (mon souvenir est flou), Naples est une ville où abonde l’art de rue. J’ai retenu ici une photo non pour la virtuosité du graff – du reste, ce n’en est pas un – que pour la charme du message amoureux : « Te voir seulement sourire me remplit la vie ». Ce genre de messages privés et publics à la fois, m’enchante toujours.
