Que vous soyez globe-trotter ou voyageur occasionnel, vous vous êtes certainement déjà trouvé dans une situation malaisée en raison d’un manque de compréhension. Ne pas savoir demander votre chemin au Laos, commander un repas dans un restaurant en Russie, etc. Les situations sont nombreuses. Cela fait évidemment partie du voyage et de l’aventure, mais après une journée à vadrouiller à travers Tokyo, on aimerait tous rentrer rapidement à l’hôtel, sans passer une demi-heure à faire comprendre l’adresse au chauffeur de taxi, par exemple. Mais comment s’y prendre ? Quels sont les outils que nous avons à notre disposition ? Une petite revue non exhaustive par la traductrice Pauline Dedecker, de Cultures Connection.
En réalité, la grande aventure commence bien avant le jour du départ, et la phase de préparation est souvent tout aussi exaltante que celle du voyage lui-même. C’est l’occasion ou jamais de vous familiariser avec quelques phrases basiques. Du petit guide pour les débutants aux cours en ligne en passant par les tutoriels vidéo, les moyens d’y parvenir sont nombreux. Vous trouverez sans aucun doute chaussure à votre pied. Si vous avez prévu un tour du monde, il vous sera bien entendu impossible d’apprendre en même temps le malaisien, le serbe, l’espagnol et le swahili par exemple. Revoyez alors vos bases d’anglais et profitez des heures dans l’avion ou dans les transports en commun pour lire les petits dictionnaires proposés dans les guides.
Une fois sur les routes, vous pouvez également opter pour le bon vieux dictionnaire de poche. Mais il est vrai que le format papier ne convient pas forcement à tout le monde. Votre sac à dos est déjà rempli (et lourd !) avec un sac de couchage, une bouteille d’eau, un portable, et même parfois un drone pour les amoureux de la photographie aérienne… bref, le dictionnaire est une ressource très utile et riche en informations, mais pour ceux qui souhaitent voyager léger, cette option n’est pas très pratique.
Aujourd’hui, les voyageurs ont accès à de nombreuses applications de traduction automatique. Il y a d’abord WordLens, qui permet de traduire en temps réel tous les textes que l’on a autour de soi : panneaux, directions, menus,… un résultat très surprenant et des traductions souvent approximatives mais qui peuvent toujours aider. Il y a aussi les nouvelles oreillettes The Pilot, qui traduisent instantanément en espagnol, en anglais et en italien. D’autres langues comme l’arabe et l’hindi vont bientôt suivre. Cependant, petit hic : au milieu du Sahel, difficile de trouver une connexion internet…
Pensez aussi au langage non-verbal ! Le ton de la voix, l’expression du visage, les gestes, etc. Certains signes sont internationaux : le sourire, le pouce pointé vers le haut ou vers le bas… Attention cependant, il existe des variantes dans chaque pays. Par exemple, en Europe mettre son index sur la tempe est anodin, en Afrique, il s’agit d’une insulte grave, tandis qu’au Japon, cela signifie que l’on trouve notre interlocuteur intelligent. Soyez observateur, et attention aux bourdes…
Enfin, il y a l’IconSpeak. Inventé par trois Suisses, ce tee-shirt aux 40 icones universelles imprimées vous aidera à communiquer dans le monde entier : logement, transport, nourriture, toilette, docteur, … Une manière originale de communiquer.
Tous ces outils sont d’une aide précieuse. Mais n’oubliez pas le côté humain. Même s’il est parfois frustrant de ne pas se faire comprendre, essayer de communiquer avec les locaux simplement avec des gestes et en baragouinant quelques mots permet de tisser des liens, de rigoler et d’échanger des sourires. Après tout, rien de tel que de s’immerger dans la culture locale pour en apprendre plus sur leur façon de communiquer.
En dépit de sa réputation justifiée, l’Amérique centrale n’est pas une région si dangereuse que beaucoup le pensent… à tout le moins pour les touristes. Car si la violence frappe un peu partout, les victimes sont surtout les ressortissants locaux. Les capitales des pays du triangle nord de l’Amérique centrale (Honduras, Salvador, Guatémala) sont parmi les plus violentes du monde parmi les pays en situation de « paix » ; le taux de fémicide y atteint des records ; etc.
San Salvador est la capitale du second plus petit Etat d’Amérique centrale (derrière Bélize) et le plus densément peuplé. Le phénomène des pandillas en Amérique centrale (ces gangs ultraviolents auxquels l’adhésion passe par un assassinat en forme d’initiation, parfois dès l’âge de 8 ou 9 ans), n’est pas récent.
L’apparition de la première de celles-ci remonterait aux années 40 ou 50 à Los Angeles, avec la Pandilla 18, qui existe encore aujourd’hui. L’autre gang le plus connu est la Mara Salvatrucha ou MS-13, formé également à Los Angeles dans les années 1980. Pour mesurer l’envergure du phénomène, il faut savoir qu’en octobre 2012, le Département du Trésor des Etats-Unis a déclaré ce gang « organisation criminelle transnationale », les activités de la MS-13 ayant fait du nord de l’Amérique centrale (Guatémala, Honduras et Salvador) la zone hors état de guerre la plus violente du monde.
En 1992 au Salvador et en 1996 au Guatémala, ont lieu des accords de paix mettant fin à des conflits armés nés sous la Guerre froide et opposant, pour faire schématique, l’armée nationale soutenue par les Etats-Unis et des mouvements révolutionnaires. Ces pays de grande pauvreté quoique riche en ressources (accaparées par l’oligarchie et les compagnies étrangères qu’elle laisse faire en pratiquant une imposition extrêmement faible), auraient pu connaître une autre destinée si la corruption n’avait pas été si forte. Mais l’incompétence règne et, comme si cela ne suffisait pas, les Etats-Unis se débarrassent de ces déchets humains que sont les gangsters de la MS-13, et les renvoie en charter au Salvador. Le problème est peut-être temporairement réglé pour les champions de la liberté libérale, mais le renvoi dans leur pays d’origine de quelque 20 000 criminels natifs (natifs mais, souvent, ayant grandi aux Etats-Unis et parlant plus l’américain que l’espagnol, ce qui n’était pas propice à faciliter l’intégration) d’Amérique centrale entre 2000 et 2004 ne fait qu’y aggraver la situation sociale. La police corrompue, le manque de moyens et d’expérience pour faire face à un tel afflux de bandits, l’incapacité à faire appliquer la loi, n’ont fait là que faciliter la prolifération de ce cancer social, au Salvador bien sûr, puis à Guatemala City (Guatemala), Tegucigalpa et San Pedro Sula (Honduras), cette dernière étant l’une des villes au taux de motalité le plus haut du monde. Il est aujourd’hui bien connu que la violence – liées ou pas aux gangs – au Guatémala ou au Salvador fait plus de morts chaque année qu’au temps de la guerre civile. Et elle frappe partout, brutalement, avec une barbarie parfois extrême.
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre ces graffiti de San Salvador, disant l’usure de la population et appelant à la paix : « Marre du sang ! », « La paix n’est pas le but, elle est le chemin. Il n’y aura pas de paix sans justice et équité ».
Il est à noter que des accords entre la police et les gangs salvadoriens ont permis une diminution de la violence et que, au Honduras, des accords similaires entre gangs sous supervision de l’Etat visent aux mêmes objectifs. Reste que la pauvreté, la corruption endémique à tous les niveaux, le règne brutal de l’oligarchie et des mafias dont bien des éléments indiquent qu’elles sont liées à l’autorité politique, de graves retards sur le plan de l’éducation, une démocratie guère acquise, le manque cruel de légalisme et le fait même qu’il s’agit de la principale route des drogues vers le marché nord-américain, ne risquent pas de régler le problème de sitôt.
La technologie actuelle permet aux compagnies aériennes de mieux contrôler leurs paramètres de vols, bénéficiant par son efficacité les voyageurs. La sécurité s’en trouve renforcée et les prix en général, par la concurrence entre compagnies ont une tendance vers la baisse. De plus en plus de voyageurs peuvent ainsi se déplacer et se rendre vers des destinations lointaines et exotiques. Nous savons aussi que cet accroissement de passagers et de touristes apporte de graves complications pour de nombreux sites qui se trouvent alors surchargés.
Un autre problème semble se développer au sein des compagnies aériennes : la contraction des vols, que de nombreux passagers constatent à la dernière minute.
Dans des bureaux de surveillance des vols (réservations, capacités de vols, prévisions) dont dispose chaque compagnie aérienne, il est possible, grâce à de puissants logiciels de prévoir le nombre de passagers sur chaque vol. Lorsque je travaillais avec Air France dans le cadre de la classe franco-américaine pour faire voyager nos milliers d’enfants français de 10 ans de la France vers les Etats-Unis et vice versa les enfants américains de l’Amérique vers la France, je me rendais dans les bureaux d’Air France au John Hancock à Chicago, ville où se trouvait notre siège social. Là, Dennis m’attendait pour parler réservations. Le départ et retour des classes n’étaient pas des jours obligatoirement fixes car les enfants pouvaient partir n’importe quel jour en dehors des dates de vacances. C’était un programme scolaire qui avait toujours lieu pendant l’année scolaire.
Dennis, déjà en 1975, pouvait voir sur son écran les réservations et les prévisions de vols pour toutes les saisons. Comme nos enfants voyageaient en dehors des weekends et des dates ultra chargées, il était facile de caser une classe ( 30 passagers) ou deux ( 60 passagers) sur des vols qui s’avéraient quasiment vides. Sur un Boeing 747 Chicago-Paris où l’on avait deux mois avant le départ, trente passagers réservés fermes, pas de problème d’y mettre jusqu’à 3 classes, environ 90 passagers. Le prix de la place était évidemment des plus bas, frisant dans les années 80, 120 dollars aller et retour. Nous étions, Air France et notre association, gagnants.
Ce système devint systématique chez toutes les compagnies pour vendre des blocs de sièges à des organismes comme Expedia, Kayak ou E Bookers. Grand nombre et prix bas.
Mais un autre processus apparaît au détriment des passagers : la contraction des vols. L’exemple est apparu dans toute sa splendeur avec dernièrement des vols sur Royal Air Maroc. Si la compagnie a deux vols dans la journée et qu’il apparaît que le nombre de sièges réservés est en dessous d’une tolérance et d’une rentabilité, le vol est alors annulé et combiné en un seul vol de la journée. L’un d’eux est alors tout simplement annulé. La raison donnée est une panne technique qui cloue l’avion au sol. De plus comme la communication est rapide et immédiate un SMS est envoyé aux passagers pour les informer de l’annulation d’un vol et qu’ils ont été mis sur un autre vol. Le tour est joué : économie d’un vol, diminution de la dépense en carburant, en personnel et en frais de stationnement. La compagnie y gagne gros sans pour autant compenser les passagers qui souvent ne connaissent pas les règlements d’annulation.
Une autre façon d’opérer est aussi efficace et cette méthode a été appliquée à nouveau par Royal Air Maroc.
Cette compagnie a tous les jours deux vols de Marrakech, l’un vers Bordeaux et l’autre vers Marseille. Ce jour-là, les deux vols étaient loin d’être complets. Royal Air Maroc décida alors de regrouper les passagers sur un seul départ. Le vol devint Marrakech- Marseille avec escale à Bordeaux. Le vol devint deux fois plus long. Au lieu du vol direct Marrakech-Marseille direct, en général plus cher, il se transforma en Marrakech-Marseille avec escale à Bordeaux. Mêmes économies : un vol en moins avec gain sur le carburant et le personnel.
Quelques jours plus tôt c’était le vol Marrakech-Marseille détourné sur Toulouse. Les passagers du direct Bordeaux Marrakech durent faire le détour par Marseille.
Si cet exemple est flagrant, dans de nombreux pays, il devient de plus en plus fréquent. Comme la plupart des passagers ignorent les règlements qui s’appliquent aux incidents créés par les compagnies aériennes, c’est tout bénéfice pour la compagnie.
Lorsque je soulevai le problème avec Royal Air Maroc comme je le fais toutes les fois avec n’importe quelle compagnie, la réponse est la même comme l’indique celle de Royal Air Maroc :
Nous avons bien reçu votre courrier et nous sommes désolés pour les désagréments éventuellement subis. Nous vous assurons de notre engagement à mener les investigations nécessaires et à apporter une réponse appropriée à votre requête, dans un délai moyen de 40 jours ouvrables.
Pour nous aider à traiter plus rapidement vos requêtes, nous vous prions de reprendre dans vos prochains courriels la référence indiquée en objet et nous les transmettre à l’adresse: serviceclientele@royalairmaroc.com, ainsi que tout document qui peut être considéré comme justificatif de voyage. Nous pouvons avoir aussi besoin de votre Relevé d’identité Bancaire pour les cas qui ouvrent le droit à un remboursement en numéraire.
Des originaux de documents sont nécessaires dans certains cas tels que :
– Une procuration avec signature légalisée en cas de délégation à une personne tierce autre que le client passager
– Les factures de frais encourus…
Ces documents doivent être adressés par courrier postal en reprenant la référence indiquée en objet à :
Royal Air Maroc
Service Réclamations Clients
Aéroport casa-Anfa
Casablanca – Maroc
La compagnie offre ainsi la possibilité de recevoir « un remboursement en numéraire ». Le client est satisfait de sa démarche et ne poursuit pas plus avant sa curiosité. Mais uniquement le passager qui s’est plaint recevra une telle réponse.
Aux Etats-Unis, la réglementation est appliquée avec beaucoup plus de rigueur mais encore en faut-il en faire la demande. Une compensation de 150 dollars à plus de 300 dollars peut être reçue par les passagers.
Cet article est un avertissement pour tous les passagers : vous avez des droits vis à vis de toute compagnie aérienne. Et tout incident, retard prolongé, changement d’itinéraire, annulation de vols donne droit à des compensations bien établies. Malheureusement l’Europe est très laxiste concernant ces droits. Quant aux pays en voie de développement même si la compagnie a signé un accord avec l’IATA, les droits des passagers sont bafoués.
Enfin pour terminer, l’incident qui suit n’est plus possible heureusement. J’en ai été le témoin direct. Dans mes accords avec Air France, je voyageais en première classe sur les vols Air France. Je m’apprêtais à rentrer à Paris de Miami. Les passagers première étaient installés quand une hôtesse vint prévenir deux passagers première avec billet à tarif plein qu’ils étaient transférer en classe économie. Ils seraient évidemment remboursés de la différence. Le vol première était complet. Les deux passagers étonnés acceptèrent de passer à l’arrière du Boeing 747.
C’est sur l’ordre du commandant de bord que l’opération se fit. Il avait besoin de ces deux sièges pour des GP ( billets réduits ou gratuits). Ces GP étaient sa femme et sa fille !
Je ne connais pas la suite de cette affaire, l’ayant pourtant signalé aux services Air France. Les passagers ont dû être dédommagés, je l’espère.
[NB : Cette étude est parue dans le livre « Tourisme de destruction massive » ( L’Harmattan) paru en 2011.]
Souvent louées, parfois controversées, certaines initiatives humanitaires ou solidaires se développent de manière naïve, voire perverses pour le pays d’accueil. Symptomatique est le cas de l’agence Quetzaltrekkers, située à Xela (Guatémala), composée de bénévoles – majoritairement étasuniens – de passage, emmenant les touristes en randonnée sur les volcans de la région. Côté positif : reversement intégral des bénéfices à des œuvres locales ; côté négatif : une concurrence insoutenable pour les guides locaux. Un article de Joffrey Nanquette.
Un slogan : « Hike and Help » (« Grimpez et aidez »)
Née en 1995, Quetzaltrekkers est une association qui a vu le jour à Quetzaltenango (Xela, comme on la nomme plus communément), deuxième ville du Guatémala. Le succès de ce projet mêlant tourisme et humanitaire a conduit à la création d’une structure analogue et homonyme à León, au Nicaragua, en 2004, puis à celle de Condortrekkers à Sucre (Bolivie) en 2008. Nous nous intéressons ici seulement à l’agence située au Guatemala.
Sur le papier, l’initiative est louable : Quetzaltrekkers propose à un public exclusivement anglophone différentes randonnées à des coûts relativement bas, dont les bénéfices sont reversés à deux associations locales partenaires : Escuela de la calle (« école de la rue ») et Hogar abierto (« foyer ouvert »). La première est engagée dans une action de lutte contre le travail infantile de rue et pour l’éducation et l’alphabétisation d’yceux, ainsi qu’à une sensibilisation de parents souvent résistants à la scolarisation. Cette structure est composée de professeurs, travailleurs sociaux et psychologues, soutenus par des volontaires étrangers. D’après le site de Quetzaltrekkers, 175 enfants de 5 à 15 ans, en majorité indigènes, bénéficient de ce programme. La seconde est un lieu d’accueil d’une quinzaine d’enfants et adolescents de 9 à 18 ans que les aléas cruels de l’existence (viol, violence, perte des parents…) ont conduit à se trouver livrés à eux-mêmes.
Le moins que l’on puisse dire est que l’initiative est généreuse : des bénévoles venus, le plus souvent, d’Amérique du Nord, viennent passer un minimum de 3 mois à leurs frais, accompagnant des touristes en excursion dans la région, organisent des fêtes pour lever des fonds au seul bénéfice des associations susmentionnées. Selon le site de l’Escuela de la calle, depuis la création du Hogar abierto qui lui est rattaché, les centaines de bénévoles de Quetzaltrekkers ont permis la viabilité financière des organismes à hauteur de 70 à 80% du budget.
A priori, tout cela est louable et plutôt positif au niveau social, moral et économique ; cependant, regardons d’abord d’un peu plus près le fonctionnement de Quetzaltrekkers.
Vue depuis le Santa María des paysages environnants
Les dessous des cartes
Les volontaires de Quetzaltrekkers chargés de l’accompagnement des groupes de touristes en randonnée, sont formés en une semaine par leurs prédécesseurs volontaires – et c’est parti ! Il convient d’abord de rappeler que le Guatémala est un pays « sensible » en matière de sécurité, ensuite que les magnifiques balades qu’on peut y réaliser, sont souvent d’une grande difficulté et que le pays fait face régulièrement à des catastrophes naturelles. Il ne faut, bien sûr, pas dramatiser à l’excès : le tourisme au Guatémala n’est pas un chemin de croix ; mais il est important de préciser que ces jeunes au bon cœur, guides improvisés, n’ont pas (ou peu) d’expérience, ne parlent que très peu l’espagnol et n’ont aucun diplôme pour exercer leur activité de guide, ce qui est l’une des conditions au Guatémala pour exercer en tant que guide. Mais, apparemment, nos amis étasuniens n’ont aucune difficulté avec le fait d’ignorer les lois locales et d’être, le plus souvent, incapables d’aligner trois phrases en espagnol.
Lorsque nous sommes allés nous balader sur le Santa María avec notre ami Edgar, guide local vivant au pied du volcan à Llanos del Pinal, nous avons pu vérifier que deux policiers en contrôlaient l’accès, vérifiant si le guide était habilité à exercer et accompagner un groupe. Dit plus clairement : si les Quetzaltrekkers peuvent embarquer des groupes sans disposer de qualifications reconnues, c’est très possiblement en apportant une contribution à la corruption endémique qui ravage le pays et y empêche l’application du droit. (Pour rappel, Transparency International, ONG engagée dans la lutte contre la corruption, classait en 2012 le Guatémala 113ème sur 176 Etats selon l’indice de perception de celle-ci.)
Vue depuis le sommet du Santa María
Hormis ces pratiques… limites, nos cowboys fringants gagneraient surtout à analyser le projet et le mettre en perspective. Si, lors de sa création, Quetzaltrekkers proposait une projet intéressant, alors que s’achevait la guerre civile et que le nombre de touristes y était encore relativement faible (563 000 cette année là), près de deux décennies plus tard, les choses ont bien changé. L’industrie touristique connaît un développement continu et, avec 1 823 000 en 2011, le pays est le deuxième le plus visité de l’Amérique centrale après le Costa Rica, en dépit de sa réputation – justifiée, mais exagérée – de violence (statistiques de la Banque mondiale). 18 ans après sa création, un bilan serait le bienvenu, consistant notamment à interroger l’impact ou le rapport au tourisme local.
Car, évidemment, certains acteurs locaux souffrent de la réussite de Quetzaltrekkers : avant tout les guides locaux, en majorité des personnes dont ce n’est pas la seule activité professionnelle (beaucoup sont paysans, notamment Edgar, que je viens de mentionner plus haut), ayant pourtant une connaissance parfaite des lieux et une expérience bien fournie. La plupart d’eux parle espagnol, l’idiome maya k’iche’, souvent anglais et même parfois français ou encore japonais. Ils ont le Guatémala dans leur chair, connaissent la faune, la flore, certaines légendes locales parfois, et sont à même d’apporter de précieux éclairages sur le pays lui-même de façon plus générale. Ils sont également souvent connus des locaux, pour la simple raison qu’ils sont leurs voisins. Cependant, la fréquence des randonnées qu’ils effectuent est limitée, contrairement aux jeunes Quetzaltrekkers qui, eux, continuent à remplir leurs listes de réservation.
Une concurrence non libre et faussée
Clairement, Quetzaltrekkers est l’agence gagnante dans un jeu de concurrence guère équitable. Pourquoi ? Certes, nous pourrions penser que le tarif pratiqué est imbattable puisque les guides ne sont pas rémunérés. Mais là n’est pas le propos : les tarifs sont à peu près égaux à ceux pratiqués par les agences locales et guides indépendants. Ce succès s’explique par une grande inégalité de compétences techniques en matière de montage de projet et de maîtrise des nouveaux médias de communication. Après avoir rencontré plusieurs guides locaux et de nombreux touristes, le constat est le même : Quetzaltrekkers sait s’organiser et communiquer.
Les Occidentaux savent s’organiser à moyen-terme et communiquer, même avec un faible niveau d’étude, ce qui n’est pas le cas au Guatémala. L’intervioù avec Oscar et Edgar, deux guides locaux, confirme une incapacité à se réunir, à s’organiser et élaborer une réponse collective des guides indépendants à la concurrence, liée autant à des conflits interpersonnels et des questions d’orgueil qu’à une méconnaissance des nouvelles technologies. C’est là que le bât blesse.
Les Quetzaltrekkers se rendent-ils compte qu’ils prennent le travail des locaux, exerçant une concurrence rude, jouissant du magistère de la charité autant que de la visibilité médiatique ? Pourquoi n’intègrent-ils et ne forment-ils pas plutôt des locaux, durablement impliqués sur place, afin qu’ils puissent ensuite être autonomes ? Leur stratégie reste floue, voire inexistante. Impossible toutefois de nier leur sincérité ni la réalité du secours financier à des dizaines d’enfants miséreux. La relation à ceux-ci n’est, certes, pas nécessairement très proche – un repas par semaine suivi d’un match de foot, servant a remplir son appareil numérique de jolies photos d´enfants pauvres : la grande classe – mais la réalité de l’apport est incontestable.
Mais les Quetzaltrekkers ne sont pas les seuls à faire du tort aux guides locaux. En effet, les agences de voyage locales n’ont pas non plus tendance à tirer vers le haut les guides locaux, bien au contraire, faisant régner une concurrence entre les guides, encouragés à brader leur force de travail. Ceux-ci ne touchent en moyenne moins de 10% des sommes versés par les touristes aux agences et sont chargés d’embarquer des groupes souvent trop nombreux : 8, 10 personnes, parfois davanatge. Pablo Ixcot, autre guide local, dûment formé à la randonnée montagnarde, évalue quant à lui les conditions de sécurité optimales, pour une ascension de volcan, à un ratio de 4 ou 5 personnes par guide.
Des guides bien esseulés
Malheureusement, rares sont les alternatives pour les guides, car la majorité des touristes passe par les agences qui emploient ceux-ci, ou par Quetzaltrekkers. Au milieu de cette jungle, ces travailleurs du tourisme local, malgré leurs compétences, semblent bien esseulés.
Le phénomène de l’exploitation ou de la sujétion des travailleurs des pays pauvres est bien connu : nous avons eu l’occasion de parler du cas de Cancun ou de celui du tourisme de masse. Dans un autre registre, la tragique affaire des ouvriers sous-traitants pour Mango morts au Bangladesh, illustre ce phénomène. Mais un frein au développement souvent moins visible, car considéré positivement, vient aussi parfois de la charité et des institutions humanitaires, dont l’activité peut constituer un frein à l’échelle locale.
En l’espèce, Quetzaltrekkers ne mérite totalement l’opprobre, car la collecte de fonds réalisée depuis sa création a permis d’extirper de la rue et de la misère de nombreux enfants, et de former des professeurs. Mais il importe de garder une certaine vigilance à l’égard d’institutions dont les belles intentions affichées ont un revers parfois bien pire.
En dernier ressort, il reste le choix individuel du touriste : ou bien donner son argent à une association caritative nord-américaine dont les fonds engendrent de réels bienfaits, mais qui n’apportent pas de garanties suffisantes de sécurité ni de qualité de service ; ou bien privilégier des guides locaux compétents et bien formés, et soutenir la microéconomie touristique.
Le saviez vous ?
Gringo : parmi les diverses origines étymologiques possibles du mot, l’une fait remonter le terme à une chanson entonnée lors de la guerre mexico-étasunienne.